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Lewis critique...
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5 mai 2016

[DOSSIER] Zoolander, démodé dans la tendance ?

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Synopsis : Blue Steel. Le Tigre. Magnum… Des regards si puissants qu’ils arrêtent des shuriken en plein vol et déjouent les plans de domination mondiale les plus diaboliques. Un seul top model est capable de conjurer autant de puissance et de beauté dans une duck-face : Derek Zoolander ! Quinze ans après avoir envoyé Mugatu derrière les barreaux, Derek et son rival/meilleur ami Hansel, évincés de l’industrie de la mode suite à une terrible catastrophe, mènent des vies de reclus aux deux extrémités du globe. Mais lorsqu’un mystérieux assassin cible des popstars célèbres, les deux has-been des podiums se rendent à Rome pour reconquérir leur couronne de super mannequins et aider la belle Valentina, de la Fashion Police d’Interpol, à sauver le monde. Et la mode.

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Zoolander, premier du nom

Quinze ans. C’est le nombre d’années qui nous sépare de Zoolander, premier du nom, sorti en 2001, un film satirique qui nous livrait une caricature tordante et bienvenue de la mode, à une époque où notamment, l’ère des Supermodels portée entre autres par Cindy Crawford, Naomi Campbell et Claudia Schiffer, touchait à sa fin. Où en somme, l’univers de la mode et plus spécifiquement du mannequinat était bien différent d’aujourd’hui. Puisqu’il faut tout de même rappeler que durant les années 90, les mannequins femmes avaient atteint un stade de célébrité phénoménal comparable à celui hissant les stars de cinéma et de la musique, par exemple. À la fin des années 90, et donc à l’aube de la décennie 2000, le phénomène s’essouffle, au moment où il semble perdre le caractère innovant et digne d’une véritable révolution qui l’avait propulsé. Au début des années 2000, ce que Ben Stiller cherche à tourner en ridicule en réalisant cette comédie déjantée, ce sont justement ces dictats de beauté éphémères et arbitraires. Et à cette époque, où dans la majorité des esprits, le mot « mannequin » est associé à celui de « top-model », qui lui rime avec Kate Moss & Co, et donc avec mannequins femmes. Ben Stiller a alors l’ingéniosité de camper un mannequin homme, dans le rôle-titre de ce film qu’il réalise. Une idée audacieuse, qui après une décennie où les mannequins femmes ont volé la vedette aux mannequins hommes mais également presqu’à bon nombre de grands noms du star-system, pousse le bouchon encore plus loin, en dénonçant ces fameux critères physiques, et ce en ne les limitant plus qu’au sexe féminin, mais en abordant le sujet quant aux deux sexes. À coups de caricatures à gogo, de kitsch en abondance et d’une histoire complètement cartoonesque, le premier Zoolander avait réussi à dresser une satire nuancée de l’univers pailleté du fashion, sans pour autant le boycotter. Posant alors cette nuance : on peut admirer et aimer ces modèles fantasmés, mais il faut avoir conscience que les critères de beauté qu’ils inspirent ne doivent pas être imposés. C’était ce message je crois, que Ben Stiller avait voulu transmettre par le biais de ce premier film, en rendant à la fois un certain hommage à ce milieu du showbiz dont il est lui-même issu et auquel il doit sa gloire, mais également en dénonçant ses failles. Hélas, Zoolander n’a pas rencontré le succès en salles, pour une raison simple : les attentats du 11 septembre 2001. Aux Etats-Unis, le film sort le 28 septembre, soit peu de temps après ce drame national qui a plongé le pays dans un deuil douloureux, les américains ont donc la tête à tout, sauf à rire des singeries de Derek et Hansel dans les salles obscures. Ce n’est qu’à sa sortie sur le marché de la vidéo, que le film se hissera finalement au rang de « film de culte ».

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Ben Stiller et Owen Wilson dans Zoolander (2001).

Un bide prévisible

En 2016, quinze ans après l’arrivée du premier film dans la sphère du 7ème art, Zoolander 2 (toujours réalisé par Ben Stiller), souffre du même syndrome que son prédécesseur : le bide absolu. En effet, le film sorti en mars dernier, n’a pas du tout rencontré le public, et a d’ailleurs reçu des critiques assassines de manière majoritaire. Après avoir enfin vu le film, je ne suis pas favorable à l’idée de le qualifier de « catastrophe », en revanche, je trouve son flop justifié. Sortir la suite d’un long-métrage, quinze ans après son film de référence est un pari risqué. Et en l’occurrence, même si Ben Stiller et Owen Wilson avaient tenté plusieurs fois le buzz, en reprenant chacun leur rôle « made in Zoolander » de manière insolite : tantôt à la Fashion Week de Paris lors d’un défilé (première image ci-dessous), tantôt en se pointant dans les vitrines d’un magasin Valentino à Rome (seconde image ci-dessous), il semblerait que la formule magique si prônée de nos jours – « BREAK THE INTERNET » - n’est pas jouée en leur faveur. Pas assez d’interviews dans la presse ? À la télévision ? Ou même à la radio ? Le film aurait-il eu besoin d’un matraquage promotionnel digne du dernier Star Wars ? Allez savoir. Le fait est qu’une majorité du public semble avoir oublié Derek et Hansel, et que le vague potentiel souvenir qu’ils lui inspirent n’a manifestement pas suffit à attirer les foules dans les salles obscures. À l’heure qui plus est, où les salles de cinéma sont délaissées pour une formule bien moins onéreuse et « fatigante » : le merveilleux téléchargement illégal. Un syndrome dont souffre également le marché vidéo, ce qui nous amène à croire que contrairement à son prédécesseur, l’accueil rendu à Zoolander 2 ne sera pas sauvé à sa sortie en DVD. Au fond, seul des cliques en abondance sur les sites de téléchargement illégaux et le bouche à oreille pourraient lui attirer une certaine « popularité ».

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Car le film, dans la lignée du 1er Zoolander, est tout à fait appréciable malgré quelques imperfections. Il pousse le délire psyché-barré-survitaminé et hyper-kitsch encore plus loin, et arrive à remplir l’objectif principal d’un film de la veine : nous faire sourire, parce que finalement c’est tout ce que l’on attend d’un long-métrage comme Zoolander. Ça fait mal à la rétine, c’est con à souhait, parfois presqu’exaspérant, c’est moqueur, improbable… En somme, que demande le peuple ?

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Un décalage (trop) flagrant entre deux époques

À mes yeux, le problème majeur du film est qu’il a le cul entre deux chaises, je m’explique : d’un côté, il parodie un univers et une imagerie fashion révolus, satire campée à elles-seules par les personnages de Derek et d’Hansel, qui n’auraient finalement jamais existé s’ils n’avaient pas été intentionnellement, des caricatures sur pattes d’un phénomène qui s’est achevé il y a quinze ans. Et de l’autre, il tourne en dérision des lubies bien actuelles comme le selfie, la duck-face, un certain culte de l’image que tout individu possédant un smartphone, un iPhone ou autre gadget peut s’approprier à travers les réseaux sociaux, etc. Et même si ici, Derek et Hansel sont introduits comme démodés et ringards jusqu’aux os, la satire post-années 90 qu’ils campaient dans le 1er film est toujours perceptible par la simple présence de leur personnage, qui ne sont finalement que ça : des caricatures personnifiées d’une ère bien précise, mais révolue. Ben Stiller a en fait, commis l’erreur de ne pas avoir su judicieusement faire exister son duo de personnages dans autre chose que cette caricature qu’ils personnifient. Il l’a cependant tenté, dans la relation établie entre Derek et son fils, mais hélas, cette démarche ne prend absolument pas tant elle s’inscrit dans une succession indigeste de clichés prévisibles, et ce particulièrement dans cette dimension voulue « touchante » en fin de film. Stiller fait donc cohabiter une satire post-années 90 avec une satire « made in 2016 », ce qui donne lieu à un décalage présent tout au long du film et qui dérange.

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Ben Stiller aurait dû à mon sens, se concentrer sur la satire dressée quant aux phénomènes émergeants en 2016, puisque c’est d’ailleurs ce qui introduit le film. Avec cette fameuse scène où Justin Bieber est abattu, puis décède en prenant bien soin de publier sur Instagram et dans ses derniers souffles une photo de son joli minois, mimant une duck-face. La duck-face qui est ici assimilée au « blue steel » de Derek Zoolander, que le personnage se réapproprie en s’imposant presque comme son louable créateur. À mes yeux, c’est cette direction qu’aurait dû réellement prendre le film, en se moquant foncièrement du selfie et de sa duck-face, ainsi que des réseaux sociaux. La scène d’ouverture avec Justin Bieber est un bijou d’autodérision et de caricature, c’est tout bonnement génial : la manière de filmer est caricaturale, la musique l’est, Bieber fait preuve d’un sens de l’humour surprenant, c’est clairement digne d’un sketch du Saturday Night Live.

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Les nouvelles recrues, parmi les recyclés

Pourtant le film se perd rapidement à vouloir retrouver l’efficacité de la satire dressée dans le 1er opus, même s’il nous offre de bonnes surprises malgré tout : le personnage de Kristen Wiig, véritable caricature de Donatella Versace, le visage atrophié par le botox, la démarche d’un spectre, l’accent italien outrancier… Tout pour plaire en somme, un personnage complètement chtarbé à la présence bien trop maigre, tout comme Mugatu toujours merveilleusement interprété par Will Ferrell, et lui aussi pas assez présent. La géniale Milla Jovovich, interprète de Katinka Ingabogovinanana subit le même sort, et son arrivée surprise la réduit ici à un personnage anecdotique, alors qu’elle était à elle-seule un pur régal dans le premier film. En somme, tous les personnages les plus tordants, recyclés du 1er opus ne s’imposent pas, et la fameuse Alexanya Atoz, campée par Kristen Wiig qui était clairement un des points forts de cette suite s’avère insuffisamment exploitée.

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Et qu’en est-il de Penélope Cruz, autre nouvelle recrue de cette suite ? Etonnamment, la belle espagnole arrive amplement à devenir crédible dans ce registre où elle s’essaie, vêtue comme la quatrième dinde parmi les Totally Spies, et livrant avec dérision une caricature amusante d’elle-même et de son éternelle image de vamp sexy. Elle s’inscrit d’ailleurs très bien dans le trio qu’elle forme avec Owen Wilson et Ben Stiller. Sa présence étonnante sied donc à merveille avec le second degré de la franchise et suffit tant bien que mal à combler les inégalités récidivistes du film.  

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Un décor plus vrai que nature ?

Dès la parution des premières critiques, l’écho quant à la pluie de caméos présente dans le film s’est fait sentir. Ce qui dans un premier lieu m’a laissé dubitatif. Car selon moi, ce qui fait l’efficacité d’un caméo, c’est justement son effet de surprise, donc s’il devient intempestif, le coup de théâtre qu’il suscite peine alors à fonctionner. En revanche, dans Zoolander 2, le caméo est utilisé en guise d’élément de décor. L’avalanche de célébrités qui y est livrée permet en fait de nous immiscer au maximum dans cet univers qu’est le showbiz pendant une heure et demie. Et les vedettes sont nombreuses, on compte entre autres : Jourdan Dunn, Susan Boyle, Ariana Grande, Naomi Campbell dans un spot publicitaire hilarant, Benedict Cumberbatch campant un personnage mystérieux et androgyne, la grande Susan Sarandon, Sting (qui est en fait le père d’Hansel (Owen Wilson)), Katy Perry, John Malkovich, Kate Moss elle-même, Marc Jacobs et même Anna Wintour en personne, qui livre d’ailleurs une caricature d’elle-même étonnante et amusante !

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Coincé entre les satires respectives de deux époques distinctes, Zoolander 2 peine à s’imposer, tant il oscille constamment entre deux imageries qui ont eu du mal à faire bon ménage. Cependant, il arrive à rester agréable, par son utilisation tordante du kitsch, du mauvais goût, de la caricature, et de la dérision. Après le visionnage du film, on garde à chaud, ce constat amer : Stiller aurait peut-être dû faire table rase du passé et de son Derek Zoolander, aussi mythique qu’il soit, pour nous offrir un film entièrement neuf, optant cette fois pour une satire piquante de la génération « Kardachiant-selfie-duck-face ». À quand un film satirique pleinement consacré aux années 2010 et à ses « social network diseases » ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lewis  

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