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Lewis critique...
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21 mai 2016

Critique : She Hate Me

She-Hate-Me

Synopsis : Diplômé de Harvard, John Henry "Jack" Armstrong est cadre supérieur dans une entreprise de biotechnologie. Mais lorsqu'il dénonce les malversations financières de ses patrons à la Commission des Opérations de Bourse, il est aussitôt licencié. Désormais considéré comme un mouchard, il est aux abois.
Quand son ex-compagne Fatima, brillante femme d'affaires devenue lesbienne, lui propose d'être le père biologique de son enfant et de celui de sa nouvelle petite amie Alex contre paiement, Jack entrevoit le moyen de se faire de l'argent facile. Son "commerce de paternité" à 10 000 dollars le rendez-vous lui assure bientôt la célébrité : les lesbiennes en mal d'enfant sont de plus en plus nombreuses à solliciter ses services.
Mais entre les tentatives de ses ex-patrons de le faire tomber pour fraude et sa reconversion douteuse, la vie de Jack prend un tour bien compliqué...

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J’ai, écrit sur une feuille, gravé dans un coin de mon cerveau, ou même à la rigueur, tapé dans un fichier Word sur mon ordinateur : une liste, des films que je souhaiterais voir. Mais qui, en effet, qu’elle soit écrite ou pas, a depuis des lustres pris la poussière, tant j’ai pris cette habitude, hélas, de peu me donner la peine de la consulter. Y subsistent alors un flux de titres de long-métrages aussi convoités de ma part les uns que les autres, mais que seul le joug imparable de l’inextricable flemmardise m’empêche de visionner – l’emploi de l’excuse de la paresse a parfois bon ton, quand il s’agit de se justifier. Parmi ce flot d’intitulés, s’est manifesté un récalcitrant, baptisé She Hate Me. Ce fameux film de Spike Lee avec cette faute de grammaire, m’a-t-on-dit intentionnée. Dans une ardeur soudaine de motivation (parce qu’à la fac c’est les vacances et qu’on s’emmerde foncièrement : un comble), je finis par me décider à plonger dans la piscine Spike Lee. Un bonhomme dont j’avoue n’avoir appréhendé le travail que par le biais de son documentaire sur MJ et son album anthologique Bad – « la honte ! » -, et que je connais pour sa renommée certaine dans le 7ème art, mais également pour les controverses qu’on a souvent rattachées à son nom. Pour moi, She Hate Me a donc fait office de second baptême, sachant pertinemment que j’aurais pu, plus judicieusement, démarrer cette nouvelle immersion dans l’œuvre de Mister Lee à travers un Malcom X ou La 25e Heure par exemple, mais tant pis. She Hate Me m’intriguait de par son synopsis principalement, et cette affiche aux couleurs un peu gueulardes, cet Anthony Mackie encore méconnu à l’époque de sa sortie, et probablement d’autres pensées éphémères m’ayant traversé l’esprit à l’entente de cette phrase erronée d’un point de vue grammaticale : « she hate(s) me ».

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Dès ses premières minutes, She Hate Me récidive, et m’intrigue un peu plus. À vrai dire, je ne sais pas sur quel pied danser, je ne sais pas où le bon vieux Spike Lee veut m’amener, ce qu’il veut dire, montrer. Dans mon esprit, tout semble confus. She Hate Me évoque la sexualité, fait référence à des scandales financiers d’ampleur comme celui d’Enron en 2001 qui s’inscrit dans le contexte où sort le film en 2004, mais également le rapport de l’Homme à l’argent ou encore des paradigmes, notamment familiaux. Puis peu à peu, je finis par y voir plus clair, je vois mon interprétation du film éclore, ainsi, le long-métrage commence progressivement à me parler, et même à me toucher. Au beau milieu de ces plans affublés d’un filtre terne et maussade – même, parfois froid -, je trace mon explication du film, qui n’est peut-être pas « la bonne », la juste, qui n’a peut-être même et d’ailleurs, rien à voir avec l’intention initiale de Lee. Le fait est que j’y ai vu une réflexion posée, sur la place accordée à la morale et plus exactement à sa perception dans cette société de 2004, ou plus largement je crois, celle du 21ème siècle qui pourrait désormais être rebaptisé ainsi : « #21èmesiècle ».

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Lee, livre avec She Hate Me l’histoire de la chute d’un homme, ayant fait de brillantes études, irradiant des éloges et faveurs que lui attire son confortable emploi, et qui subitement après avoir justement dénoncé les escroqueries de ses supérieurs, se voit perdre son job. Soudainement en mauvaise posture et avide d’argent, Jack (Anthony Mackie) peine rapidement à résister à l’offre peu anodine de son ex-compagne (Kerry Washington), désormais en couple avec une femme : l’enceinter, elle et sa petite amie, contre de l’argent. La question qu’inspire d’ores et déjà le plot du film est la suivante : « Jusqu’où sommes-nous capables d’aller pour de l’argent ? » ; mais également celle-ci: « Un besoin financier, aussi considérable soit-il, peut-il engendrer chez nous l’abandon des nos valeurs ? Qu’elles aient été transmises par l’éducation ou non, par exemple ? ».

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En effet, Jack semble foncièrement attaché à certains principes, et ce n’est qu’au contact d’une convoitise monétaire inextricable qu’il en vient à agir d’une manière qui l’aurait très probablement révulsé auparavant. C’est là qu’intervient la question de cette morale, palpable dans le film. Nous sommes quotidiennement ou presque, imbibés de principes, de paradigmes, d’idées parfois préconçues sur ce qui est bien, et mal, sans réellement parfois, nous poser cette simple question : « Mais pourquoi donc x est-il considéré comme mal et y comme bien ? ». Il est facile de s’imprégner de jugements préfabriqués sans avoir même pu goûter à l’expérimentation. L’éducation est d’ailleurs parfois responsable d’un conditionnement idéologique qui conforte l’enfant à croire de telle ou telle manière, de même pour la société qui frappe tantôt à coups de telles conventions, qu’elles peuvent devenir décisives dans nos opinions sur multiples et divers sujets. Jack a visiblement été élevé dans une famille tatouée par la transmission de valeurs et principes bienpensants qui ne l’auraient jamais conforté à concevoir de lui-même une véritable « usine à procréer », comme le démontre bien cette phrase de sa mère à l’aube de la fin du film : « Tu sais qu’on t’a pas élevé comme ça ». Ce que voulait dire Lee je crois, à travers ce film, c’est que la morale, notre morale à tous, qu’elle ait été dictée par notre éducation, les conventions sociales parfois acharnées, n’est réellement pas, systématiquement, déterminante dans nos choix, nos actions, nos raisonnements - et c’est ce que nous avons de plus humain, finalement : l’erreur. Un désespoir rimant parfois avec inextricable nous pousse quelque fois à agir des manières qui pouvaient d’antan, nous sembler ahurissantes, voire même consternantes. L’ami Spike illustre cela avec cette idée bien trouvée et haut perchée du « commerce procréateur », qu’il aurait très bien pu remplacer par bien d’autres concepts, peut-être même des plus farfelus, au plus anodins. Jack aurait pu se prostituer, il aurait pu procréer au service de couples stériles, etc.

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Par le biais de l’homoparentalité, Spike Lee s’exprime sur l’homosexualité et les difficultés qu’elle peut occasionner, dans la manière dont elle est vécue au sein de la famille, de la société. Il s’exprime ainsi et également sur l’homophobie, notamment dans cette fameuse scène agitée où le personnage de Kerry Washington raconte l’épreuve qu’a représenté son coming-out à Jack. Mais Lee en profite aussi pour aborder la perception parfois encore effrayamment rétrograde de l’homosexualité. Particulièrement avec le personnage de Monica Bellucci, qui est assujettit par son père terriblement conservateur et étroit d’esprit. Tous les clichés sur les italiens y passent, du (Le) Parrain à la mafia, mais le message livré et qu’il faut retenir est surtout celui qui met en exergue cette culpabilisation que subissent encore énormément d’homosexuels. Le film date de 2004, mais l’on pourrait encore ô combien, traiter de la question en 2016, et c’est lamentable. En revenant par exemple, sur cet état de faits malheureusement toujours actuel qu’illustre Monica Bellucci dans le film. Campant cette Simona, cantonnée aux dires d’une éducation religieuse immodérée et sans nuances qui voudrait qu’elle soit ni plus ni moins punie pour « avoir le malheur d’être homosexuelle » : quelle horreur !

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Par le biais de cette homoparentalité, rimant avec complications dans She Hate Me, Spike Lee évoque de nouveau un rapport à l’argent et à la morale en évoquant cette difficulté qu’ont les couples homosexuels du film, à avoir des enfants. En effet, leur désir de progéniture est tel, et ce après avoir essayé sans succès des méthodes comme l’insémination artificielle ou l’adoption, qu’ils en arrivent à franchir ce pas : payer un homme, pour s’envoyer en l’air avec lui, et ainsi se reproduire. La réflexion aurait été la même s’il avait été question d’hommes stériles, invitant leur femme à payer les services procréateurs d’un homme pour s’assurer une descendance, par exemple. Il n’est en rien question d’avoir la bassesse de stigmatiser la communauté homosexuelle en abordant l’homoparentalité – Dieu merci ! Elle est ici sollicitée pour illustrer de nouveau ce rapport éthique aux choses, aux barrières que nous sommes capables de faire tomber par détresse.

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Avec She Hate Me, Spike Lee tente l’illustration d’un miroir social, qui nous renvoie à notre dépendance à l’argent, qui ne peut finalement qu’être subie. Puisque nous en sommes désormais réduits à crouler sous le joug du Dieu monétaire qui se doit d’assurer notre survie à tous et à toutes – mais qu’est-ce que c’est cynique ! She Hate Me nous renvoie également à nos détresses des plus viscérales, notre propension à endoctriner autrui, à/à nous conditionner. Le She Hate Me de Spike Lee est donc une fresque parsemées de regards portés sur notre société, et notre condition sociale et sociétale à tous, mais plus largement à notre condition humaine : dans son avidité, sa cupidité, sa capacité à juger et à prôner un jugement, ainsi que sa propension inéluctable et parfois enrichissante à se perdre dans la détresse. C’est je crois, ce que Lee a tenté en 2004 - soit il y a plus de dix ans – de nous livrer, dans ce film qui s’étend tantôt inutilement dans sa narration, et qui de prime abord peut sembler confus. Un long-métrage nous offrant d’ailleurs et je me dois de le dire, des performances louables : de l’Anthony Mackie bien évidemment, à la sublime Kerry Washington qui a des airs de Naomi Campbell ici, du Woody Harrelson qu’il est toujours plaisant de retrouver à l’écran, de John Turturro, de l’hypnotisante Monica Bellucci, de Chiwetel Ejiofor et même de Jamel Debbouze qui produit également le film et qu’il est agréablement étonnant de trouver ici. Rythmé sur une musique cuivrée et sensuelle, She Hate Me est une œuvre enrichissante, injustement boycottée, et qui pourtant, mérite une plus large visibilité et renommée. Bref. Je vous l’assure, She Hate Me est selon moi, à ne manquer sous aucun prétexte !

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Lewis    

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