[Critique] Vaiana, la légende du bout du monde [SPOILERS]
Synopsis : Il y a 3 000 ans, les plus grands marins du monde voyagèrent dans le vaste océan Pacifique, à la découverte des innombrables îles de l'Océanie. Mais pendant le millénaire qui suivit, ils cessèrent de voyager. Et personne ne sait pourquoi...
Vaiana, la légende du bout du monde raconte l'aventure d'une jeune fille téméraire qui se lance dans un voyage audacieux pour accomplir la quête inachevée de ses ancêtres et sauver son peuple. Au cours de sa traversée du vaste océan, Vaiana va rencontrer Maui, un demi-dieu. Ensemble, ils vont accomplir un voyage épique riche d'action, de rencontres et d'épreuves... En accomplissant la quête inaboutie de ses ancêtres, Vaiana va découvrir la seule chose qu'elle a toujours cherchée : elle-même.
« Tremble Elsa, Vaiana est dans la place ! »
Trois ans après la tornade (La) Reine des Neiges, Disney nous revient avec un traditionnel film accompagnant les fêtes, clôturant brillamment une année qui s’était entamée tout aussi bien pour le studio aux grandes oreilles, avec l’intelligent et mémorable Zootopie. À l’aube de 2017, la nouvelle héroïne Disney a débarqué sur le sol français en novembre dernier, suscitant d’emblée l’engouement du public – un intérêt non surprenant et désormais coutumier, quand il s’agit de la firme géante, maman de Mickey. Alors, est-ce que Moana – rebaptisée Vaiana en France, pour des raisons commerciales – a-t-elle à envier à sa consœur Elsa, du carton La Reine des Neiges, ayant provoqué un véritable ouragan au box-office mondial ? Non. Certainement pas, à vrai dire.
À gauche : Idina Menzel interprète Let it go, lors de la 86ème cérémonie des Oscars en mars 2014/ à droite : Los Angeles enneigé, à l'occasion de la première mondiale de La Reine des Neiges, en novembre 2013.
Si La Reine des Neiges avait su esquisser un tableau de l’émancipation de la femme, au sein d’un diptyque confrontant une héroïne nunuche – quasi-autodérision de la part de Disney, à travers le personnage d’Anna – à une jeune femme plus caractérielle et profonde, campée par Elsa ; Disney continue de surfer sur cette vague – et c’est le cas de le dire – en donnant vie à Vaiana, héroïne mignonne certes, mais surtout débrouillarde et n’ayant pas la langue dans sa poche ! Prouvant ainsi que la longue ère des potiches aux rêves de vies de château et de princes charmants dont Blanche-Neige était le paroxysme est révolue.
En haut : quand Disney s'auto-parodie... (à gauche, Charlotte de La Princesse et la Grenouille ; à droite, Anna de La Reine des Neiges) / en bas : Tiana, princesse travailleuse de La Princesse et la Grenouille.
Dans Vaiana, la légende du bout du monde, pas question de filer la bague au doigt en fin de long-métrage ; en effet, il semblerait que Disney ait voulu pousser l’expérimentation quant à des héroïnes humaines indépendantes à son comble. Si dans La Princesse et la Grenouille, Tiana rêvait du triomphe d’un restaurant dont elle serait à la tête, elle succombait quand même au bel éphèbe, kid de la New Orleans lui faisant de l’œil, un schéma nullement présent dans Vaiana, la légende du bout du monde, puisque le long-métrage ne compte en réalité aucun personnage destiné au rôle de « prince » ou ce qui pourrait s’en approcher. De quoi, pour John Musker et Ron Clements – papas de bien des classiques du studio, de La Petite Sirène à plus récemment, La Princesse et la Grenouille, en passant par Aladdin –, focaliser davantage l’attention du spectateur sur le parcours du personnage dans sa trame évolutive à travers une illustration de son propre ressenti.
Brillant d’abord de par ses graphismes d’une précision époustouflante et d’une beauté indubitable, Vaiana, la légende du bout du monde livre un spectacle audacieux – à l’image de son héroïne -, n’ayant pas peur de planter le décor de son intrigue en pleine mer, et ce sur un laps de temps considérable mais toujours avec efficacité ; le tout en employant de manière infatigable la grammaire de Mickey : à coups d’une éternelle touche Broadway (ici plus flemmarde, cependant), des personnages et des choix de mises en scène rappelant les grands films du studio (la réapparition de la grand-mère pouvant rappeler celle de Mufasa dans Le Roi Lion ou le character design de Te Fiti rappelant celui de la créature verdoyante de L’Oiseau de feu dans Fantasia 2000, par exemple). Dans une ambiance pouvant remémorer un Pocahontas : Une légende indienne, Lilo & Stitch et même, plus vaguement,Kuzco, l'empereur mégalo, le film dessine une fresque sur l’accomplissement et la découverte de soi, porté par une héroïne à la sauce Mulan, manifestement figure de proue d’une mutation chez les studios Disney, quant à leurs personnages féminins. Un classique instantané.
Lewis