[Critique] Bridget Jones Baby : Retour en demi-teinte pour Renée Zellweger
Synopsis : Après avoir rompu avec Mark Darcy, Bridget se retrouve de nouveau célibataire, 40 ans passés, plus concentrée sur sa carrière et ses amis que sur sa vie amoureuse. Pour une fois, tout est sous contrôle ! Jusqu’à ce que Bridget fasse la rencontre de Jack… Puis retrouve Darcy… Puis découvre qu’elle est enceinte… Mais de qui ???
C’est ce mercredi, que l’inimitable pintade célibataire londonienne a de nouveau heurté les salles obscures françaises, et ce, après douze interminables années d’absence. Puisque nous n’avions pas revu la désopilante anglaise depuis le second volet de la franchise dont elle est l’héroïne en 2004, Bridget Jones : L'Âge de raison – suite encore aujourd’hui, souvent décriée et rarement louée. Alors qu’en est-il du retour le plus attendu de cet automne, ou celui du personnage dont la première apparition filmique trône depuis quinze ans au panthéon des rom-coms cultes ?
Tout d’abord, Bridget Jones Baby marque le retour de Renée Zellweger, actrice oscarisée, qui a déserté les collines clinquantes hollywoodiennes et ses plateaux de tournage pendant un break sabbatique de six ans, avant de tenter un come-back triomphant dans le rôle qui a fait sa gloire. Entre temps, elle est hélas devenue une cible infatigable pour la presse beaufissime qui ne cesse de commenter en masse son visage de quadra qu’elle aurait apparemment fait lifter – ce que la star a ouvertement démenti dans une chronique féministe pour le Huffington Post.
Renée Zellweger faisant la promotion de Bridget Jones Baby dans l'émission de Jonathan Ross, en septembre dernier.
Bistouri ou pas, au fond là n’est pas la question quand il s’agit du retour inattendu de Miss Jones, un personnage qui a marqué au fer rouge l’existence de millions de femmes à travers le monde ; puisqu’en effet, cette célibataire à côté de la plaque aura, en plus d’avoir fait pleurer de rire une pluie de spectatrices (et spectateurs), incité la gente féminine à s’assumer telle qu’elle est, physiquement, et bien au-delà. Depuis la parution du best-seller d’Helen Fielding en 1996, soit il y a déjà vingt ans, le personnage a su camper avec un humour ravageur et un charme chaleureux une ode à l’imperfection qui nous est tous propre en tant qu’être humain – de quoi se dire que l’héroïne peut à sa manière, toucher également la gente masculine. Après avoir été porté au cinéma, Bridget Jones représente dans le paysage culturel collectif, depuis désormais quinze ans, la bonne copine caricaturalement imparfaite, attachante, tellement drôle… à laquelle nous pouvons tous, très certainement, nous identifier – homme ou femme, dans la mesure où l’imperfection touche indubitablement les deux sexes. En 2016, la Bridget qui nous a séduits dans les années 2000, n’échappe pas à l’hystérie Steve Jobs, et troque évidemment son diary, contre un iPad dernier cri : est-ce que Bridget Jones Baby fait de nouveau opérer la magie ? Peut-être pas, cependant il marque des retrouvailles bienvenues avec un personnage doudou.
Sans surprises, Bridget Jones Baby joue la carte de la nostalgie en guise d’introduction, en faisant retentir de nouveau à nos oreilles l’incontournable All By Myself, que Bridget troque, excédée, contre le déjanté Jump Around d’House Of Pain [made in 90’s] : ouverture désopilante et fraîche, pour un film qui se perd entre nostalgie et tentatives pompeuses de se fondre à la frénésie du hashtag propre à 2016.
Premièrement, il semblerait que la rom-com soit devenu un genre ayant réellement perdu de sa superbe, mais aussi de sa crédibilité, et qui aujourd’hui, traîne presque toujours un vent caricatural et démodé derrière lui. En effet semble-t-il, nous sommes désormais bien loin des bonnes vieilles années 90 où les étudiants rejouaient Nuits blanches à Seattle sur les bancs de la fac. Cependant Bridget Jones Baby se sauve du kitsch par la nostalgie qu’il inspire, en ramenant après plus de dix ans un personnage au capital sympathie immense. Puisqu’avouons-le, c’est Bridget qui fait le film, et elle seule ; tantôt épaulée par Darcy (toujours impeccablement campé par Colin Firth) et son snobisme maladroit, certes. Néanmoins, c’est réellement la présence du personnage phare qui amène à nos lèvres un sourire récurrent au cours de ces deux heures de comédie, dans la mesure où l’histoire elle, est plutôt pauvre et peine à nous tenir en haleine. Le vent de nostalgie, également amené par la maigre présence de ses amis des deux précédents opus est vite expédié par de nouveaux personnages, drôles et sympathiques à souhait, toutefois : comme Miranda (Sarah Solemani), la collègue amusante de Bridget ; ou une autre nouvelle recrue, vedette de ce troisième volet : Patrick Dempsey qui sert de substitut à Hugh Grant, et qui arrive aisément à se fondre dans le rôle d’un milliardaire fleur-bleue aux airs de prince charmant, qui rappelle vaguement sa contribution au Il était une fois de Disney en 2007.
Emma Thompson, qui a coécrit le scénario de ce troisième acte, est présente aussi devant la caméra, dans un rôle tordant de gynécologue cynique tout à fait désopilant. Si ces retrouvailles avec Bridget et sa clique d’anciens sont appréciables, le film manque à plusieurs reprises de s’essouffler, et l’on échappe au décrochage grâce à une succession de gags cocasses, dont seule une cruche olympique, du calibre de Bridget Jones a le secret. La première partie de ce Bridget Jones Baby traîne en longueur et se traduit par une succession de séquences, parfois superflues : Bridget assiste à un enterrement (mais de qui ? Suspense !) ; Bridget part faire du sport lors d’une scène vite expédiée – « Bénis soient les gays ! » lâche-t-elle - ; Bridget s’écroule de tout son long dans un festival musical… En vérité, il faut attendre une petite heure pour voir le film franchement décoller, quand s’instaure entre les personnages de Colin Firth et Patrick Dempsey une once de rivalité bonne enfant. Finalement, cette intrigue à l’aube de la maternité n’est presqu’un prétexte à retrouver chaleureusement l’un des personnages les plus appréciés du paysage de la rom-com, où Bridget et la génération du hashtag ne semblent pas faire bon ménage. Quand elle s’écrit : « #LetsDoThis », on peine simplement à y croire, tant le personnage est post-années 90/années 2000, qu’il fait partie intégrante de cette imagerie depuis plus de dix ans, et qu’on le sent quelque peu dépaysé ailleurs.
Au fond, Bridget Jones a excellé/excelle/excellera (?) toujours dans un créneau simple comme bonjour : donner de l’espoir à ses spectatrices et spectateurs. Ce qu’illustre joliment la scène finale du film, digne d’un conte de fées, presque trop belle pour être vraie ; où Sharon Maguire, la femme à qui l’on doit le tout premier opus de la saga, clôture cette désormais trilogie d’une manière qui fera à coup sûr, rejaillir des rêves de princesses enfouis depuis l’enfance. Jolie métaphore que de songer à l’idée suivante : l’histoire de Bridget Jones n’est-elle finalement qu’un conte de fées moderne, avec l’avertissement « Parental Advisory » ?
Lewis